La BCE doit ajouter la qualité à la quantité
Le 21 octobre 2020, la Banque centrale européenne a organisé son premier dialogue avec la société civile. À cette occasion, j’ai eu l’occasion de m’adresser à la présidente de la BCE, Christine Lagarde, et à l’économiste en chef, Philip Lane.
En tant que directeur de Positive Money Europe ,j’y ai interpellé la BCE. Voici une traduction de mon intervention (voir l’original en anglais ici)
En tant qu’observateurs extérieurs, nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que les vieilles théories des banques centrales ne semblent plus fonctionner. Par exemple, la BCE n’a pas réussi à remplir son mandat d’inflation au cours des six dernières années, ce qui remet en question la solidité de la théorie économique sur laquelle elle s’appuie. La crise pandémique actuelle ne fait que renforcer ce changement de paradigme et apporte encore plus d’incertitude.
La révision stratégique de la BCE offre l’occasion d’explorer de meilleurs moyens pour la banque de remplir son mandat. Nous sommes globalement d’accord avec la description du mandat de stabilité des prix faite par M. Lane. Toutefois, quel que soit l’objectif de stabilité des prix choisi par la BCE, celle-ci ne l’atteindra pas si elle n’utilise pas les bons outils.
La BCE doit ajouter la qualité à la quantité. Actuellement, la BCE utilise des outils très aveugles tels que l' »assouplissement quantitatif », dans le cadre duquel la BCE injecte des billions d’euros sur les marchés financiers dans l’espoir que les banques feront leur travail.
En proportion de leur tailles, ces programmes d’assouplissement quantitatif semblent plutôt inefficaces. Une légère réduction des rendements de 20 à 40 points de base justifie-t-elle économiquement l’injection de 3 000 milliards d’euros dans l’achat d’actifs ? Et que dire du fait que les liquidités fournies par la BCE finissent souvent par subventionner des entreprises liées aux industries fossiles ou bien à sponsoriser les opérations de rachat d’actions de multinationales, ce qui profite directement au 1 %. Est-ce vraiment la meilleure façon de mener la politique monétaire ?
Au lieu de toujours créer plus d’argent, la BCE doit commencer à s’intéresser à la qualité des flux financiers que ses politiques génèrent directement ou indirectement. De ce point de vue, nous nous félicitons du débat actuel sur le rôle de la BCE dans la lutte contre le changement climatique, et nous espérons que ce débat conduira à des changements politiques ambitieux.
Nous espérons également que ce n’est que le début d’une réflexion plus approfondie sur la manière dont la création de monnaie fonctionne actuellement.
Aujourd’hui, la BCE est totalement dépendante des banques et des marchés financiers pour transmettre sa politique monétaire. Cela fonctionne bien en théorie, mais pas tellement lorsque les marchés échouent ou lorsque les gens ne peuvent tout simplement pas se permettre de s’endetter davantage. Au lieu de cela, les banques centrales pourraient couper l’intermédiaire en adoptant ce que nous appelons « l’assouplissement quantitatif pour le peuple », ou la monnaie hélicoptère », distribuant l’argent directement aux citoyens.
Il est vraiment choquant que la BCE ne se soit pas encore penchée sur cette option politique, et n’ait même pas fait de publications de recherche à ce sujet, alors que le reste du monde en débat intensément.
En réponse, Phillip Lane a exprimé sa « sympathie » pour cette critique et a vaguement fait allusion aux possibilités technologiques à cet égard (je suppose qu’il voulait parler de la possibilité d’introduire un euro numérique).
L »intégralité de l’évênement peut être visionné ici, et un résumé écrit est également disponible sur le site de la BCE.
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