Qui a encore besoin des médias traditionnels ?
Après l’annonce de Mr Murdoch de faire passer l’ensemble de ses sites sur un modèle payant, puis celle de (peut être) demander la désindexation de son contenu de Google News, la question se repose à nouveau chez certains médias français de faire aussi » marche arrière « , arguant d’une part le fait qu’ils n’auraient en fait jamais du rendre leur site payant au départ, et d’autre part en dénonçant autant qu’ils le peuvent le grand méchant Google…
Ce type de prises de positions me font bien rire… Plutot que de se chercher des boucs émissaires, les dirigeants des groupes de médias seraient bien inspirés de regarder la réalité en face, c’est à dire les nouveaux usages…
Car de mon côté, cela fait bien longtemps que j’ai renoncé à m’informer via les médias traditionnels (télévision, radios et journaux). Pas même un site de presse en ligne ? Très peu, merci.
Au menu de mon agrégateur de flux rss donc : uniquement des blogs, des pure players ainsi que quelques flux delicious, le tout accompagné bien sûr des twitter, friendfeed etc, histoire de rajouter un peu de piquant ;-).
Le régime peut paraitre sévère (0% matière grasse, aurais-je envie de dire :p ), mais pourtant je ne m’en porte que mieux. En fait, j’ai remarqué que cette nouvelle manière de m’informer était beaucoup plus prolifique, ce que je vais tenter de vous montrer dans ce post.
Une grande variété de sources d’informations
Je suis une grosse centaine de blogs et autres sites de news, autrement dit tout autant de sources différentes qui m’assurent de ne pas entendre le même son de cloche tous les jours 🙂 .
De même, les 130 personnes que je suis sur twitter (et même plus avec les listes) sont également des sources d’informations me permettant de rebondir vers d’autres contenus que je ne lirais probablement jamais autrement.
Au final, la diversité des informations auxquelles j’ai accès est quasiment illimitée (contrairement aux émissions de TV, radio et aux articles papiers). Hors de question de payer pour de l’information limitée et cloisonnée.
Des contenus de qualité liés à mes centres d’intérêts (mais pas que).
Mes centres d’intérêts sont avant tout les technologies, internet, les médias, et l’industrie musicale.
Pour prendre un exemple, voici les sources que je lis concernant l’actualité musicale :
- Des sites/blog dédiés à ces sujets : Hypebot, Numérama ;
- Des blogs plus personnels comme Bidibule, le blog d’un artiste (parce que leur avis compte de temps en temps…) ; ou encore Corvaisier ;
- Des blogs d’entreprise évoluant dans le secteur : le blog de LastFM, Hype Machine, entre autres… ;
- Des comptes twitter…
Que vaut l’article d’un journaliste quand je peux avoir directement l’avis d’experts sur le sujet ? Qui me dit que tel journaliste connait vraiment le sujet ?
Sur de nombreux sujets, non seulement les « journalistes » ne font pas du journalisme, mais en plus de cela, des non-journalistes font le même travail, en mieux… ! On ne demande pas au journaliste d’être passionné par tout ses articles… le bon blogueur l’est nécessairement.
Payer pour des canons à dépêches ? Non merci. Non seulement il est hors de question pour moi de payer pour les articles des rubriques « people », « bourse », « chiens écrasés », « mots croisés » dont je me contrefous totalement, mais je n’ai pas non plus envie de perdre mon temps à éplucher les canards dans l’espoir (souvent vain) d’y trouver des contenus de qualités traitant de mes domaines d’intérêts privilégiés.
Pas que de l’information… de l’interaction !
De plus, les sites que je consulte me permettent également de me joindre à des discussions des plus passionnantes (ça change des recueils de trollismes)… Ces discussions me permettent de nuancer le propos énoncé dans l’article, y voir d’éventuelles limites auxquelles je n’aurais pas pensé, et de rebondir sur d’autres liens via les commentaires. Ce qui me permet ainsi d’affuter mon sens critique et me pousse à la réflexion.
Cela fait bien trop longtemps que les médias de masse prétendent nous apporter LA vérité (sous prétexte de leur neutralité…). Il est temps de nous redonner notre droit (si ce n’est devoir) de réflexion 🙂 .
Conclusion
A la question « Qui a encore besoin des journaux ? », on pourrait donc répondre :
- Certainement pas moi (vous l’aurez compris 😉 )
- les réfractaires par principe : ceux qui ne veulent pas comprendre les évolutions en cours, se crispent par crainte aveugle de la technologie. En général, ils vieillissent 😉 …
- Ceux qui n’ont pas encore pris conscience des nouveaux usages possibles, mais en profiteront avec plaisir très bientôt… 🙂
Autrement dit, le modèle des médias traditionnels repose sur une clientèle d’ignorants ! Ou dit encore différemment, ceux qui paieraient demain pour avoir accès à des contenus en ligne ne seraient ni plus ni moins des pigeons !
Désolé d’être si cruel, mais personnellement je ne me vois mal souhaiter du succès à un business qui prend ses clients pour des pigeons… En revanche des initiatives innovantes qui réinventent intelligemment notre manière de s’informer à l’heure du numérique, ça, pourquoi pas 😉 .
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CC – ClevelandSGS – « Lost World @ the Allen Theater »
Notes :
1. J’ai conscience d’avoir un usage poussé des outils du web 2.0 pas du tout représentatif des usages moyens de consommation. Mais ce n’est qu’une question de temps ! Je pars du postulat que demain, de plus en plus de gens se tourneront vers les médias sociaux pour s’informer.
2. Bien sûr, il m’arrive encore de tomber sur quelques articles de journaux intéressants, mais en proportion du nombre d’informations pertinentes que je trouve via d’autres sources, c’est minime.
3. On me retorquera sans doute que sans journalistes, il n’y aurait certainement pas de blogs, que l’on aura toujours besoin de journalisme d’investigation etc… Arguments logiques et pertinents. Mais ça n’enlève rien au fait que la valeur ajouté de ce journalisme par rapport à celle de mon système d’information est quasi-nulle. Le problème du business model reste donc toujours non résolue.
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A lire ailleurs :
Les paywalls n’ont aucune chance. Explication n°876 – Owni.fr
La presse est tombée par terre, c’est la faute à Google… – novövision.fr
La valeur du journaliste en question – Les trucs d’un journaliste
A voir les refs à mon blog dans ce billet, je suis au regret de t’annoncer que tu as lu au moins deux articles de… journaliste pur jus !!! 😉
Eh oui, pour moi ce n’est pas un gros mot et je vais même rajouter ceci : ce que tu critiques ce n’est pas le journalisme mais bien la presse française. Et encore, sans doute une certaine presse : vendue au grand capital, frileuse, moutonnière etc. Celle qui a perverti les journalistes en leur imposant de pondre toujours plus d’articles, de traiter des sujets plus aguicheurs, en réduisant les budgets qui leur permettaient autrefois de mener de vraies enquêtes… Attention à ne pas te tromper de cible.
D’autre part, toi qui dis aimer la techno, la musique et internet, ne crois tu pas qu’être informé consiste aussi à savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde? Et à l’intérieur de nos institutions, à la tête de nos grandes entreprises? Ben oui, nous avons affaire à eux tous les jours, nous leurs donnons tout notre pognon. D’accord, bien des journaux ne font que de la soupe complaisante ou du people avec ces sujets, mais pas toujours (si si, achète un quotidien ou un hebdo une fois).
Qu’il y ait eu une dérive, ce que je concède tout à fait, implique-t-il de jeter le bébé avec l’eau du bain? Que des journalistes dévoient la nature même de leur métier nécessite-t-il qu’on cloue toute la profession au pilori?
C’est vrai, je suis certainement un peu « old school », mais je ne crains pas la techno. Pour moi toutes ces nouvelles « formes de journalisme » sont tout au plus que des nouveaux tuyaux, de nouvelles façons de consommer l’info et c’est très bien. Mais faisons attention à ce qu’il y a/aura dedans : le travail du journaliste est de vérifier l’info, et si possible de ne pas se laisser bouffer par la com’.
Abandonner les journalistes c’est probablement laisser la place aux communiquants. La démocratie n’a sans doute rien à y gagner. Toi et moi non plus.
A bientôt sur le Dodo 😉
quelle envolée! cela dit, il y a plus de lecteurs de presse écrite traditionnelle (et bcp plus) que de lecteurs en ligne. Et ça peut durer encore pas mal de temps. Car pour ceux que je connais, certains doivent avoir autour de 40 printemps. Ce sont des gens qui aiment lire le journal au petit dej ou dans les transports ou en écoutant de la musique, et qui disent aimer le papier, plier et déplier, cela n’en fait pas des crétins. moi aussi je lis en ligne par pure radinerie et pr aller plus vite et passer d’un titre à l’autre. Par ailleurs j’en ai svt ras le bol de l’ordi, passer ma vie les yeux collés sur l’écran non merci. Ce qui est embêtant avec le net c’est que tout le monde fait la même chose en même temps (même les blogueurs)genre bashing de truc ou de machin, hashtag sur le même truc….
@Le Dodo : merci pour ton commentaire 🙂
Je crois qu’il y a un léger malentendu. C’est bien l’industrie des médias et leur business model que je critique, pas les journalistes (en tout cas pas en bloc de la sorte 😉 ).
Ceci dit je te concède que mon propos est peut être un peu maladroit (« Que vaut l’article d’un journaliste quand … ») : il ne s’agissait pas tant de critiquer les journalistes que de mettre en valeur le brillant travail de certains blogueurs 🙂
Je le redit encore une fois, je ne souhaite pas la fin des journalistes ! Ceci dit, il faut reconnaitre qu’ils sont bien trop nombreux (« do what you do the best, and link to the rest… »), ou trop peu à faire du vrai journalisme c’est selon…
A propos des « communiquants »: non seulement je ne suis pas certain que la diminution du rôle des journalistes leur laisse le champ grand ouvert (il y a aussi les blogueurs), mais même si cela arrive, je serais moins inquiet que toi tant que la transparence reste la règle (d’ailleurs, difficile d’y échapper sur internet)…
Enfin, juste pour te rassurer, je suis aussi l’actu politique and co (d’un peu loin, certes). Simplement pour ce type d’info j’ai davantage tendance à lire ce que l’on me recommande sur twitter par exemple, plutot que d’aller chercher l’info moi même.
@marsupilamima
Attention, je ne remets pas en cause le format papier ! C’est bien le concept du journal tel que proposé par les grands groupes de presse qui me répugne !
Je comprends bien que plein de gens ne veulent pas passer leur vie devant l’écran, c’est bien normal…
Ensuite, oui l’effet moutonnier est très présent sur internet… mais comme dans la vraie vie après tout 😉 Il faut savoir prendre du recul (pas toujours facile ! …)
Voilà je viens faire mon petit coucou.
A côté du tien, mon article est plus ressenti, mais je n’avais pas envie de dire à nouveau les mêmes arguments, n’étant pas un « me-too » dans l’âme.
Je t’ai mis en lien sur Murdoch pour que mon lecteur comprenne mieux la surchauffe du monde de la presse française.
Bonjour Thierry,
Ton article est pas mal du tout, bonne prise de recul 🙂
Moi aussi j’essaye d’éviter les articles « me too », mais c’est vrai que celui là en est à moitié un : les arguments sont classiques (relire narvic…), mais pour ma défense la forme, le style, et le déroulement peut être un peu différents. (enfin j’espère en tout cas 🙂 )
Merci pour le lien.
Évidemment il est le plus souvent choquant de voir les sujets traités avec autant de légèreté et de partialité par les media traditionnels français… Mais qu’est-ce qui explique leur succès indéniable (au nombre de téléspectateurs de la « grand messe » du 20 heures, on peut encore parler de succès même s’il est décroissant!) sinon par la complaisance (aveugle?) des consommateurs d’information?
J’ai pour ma part été fréquemment choqué de la désinformation sur les sujets aussi importants que la science, l’économie, la (vraie) politique…
Car je pense malgré tout que la diffusion d’informations, parfois sur des sujets auxquels on ne porte pas forcément passion ou intérêt, reste un moyen de pluralisme, de découverte et permet à chacun de connaître un minimum des composantes du monde qui l’entoure, car il faut le connaitre!
Malheureusement, le bât blesse, l’information compressée, tronquée, à la solde de tel ou tel (tous ne sont pas inféodés aux grands capitalistes quand même!) ne permet pas de remplir ce rôle en France. Il faudrait refaire la place au vrai journalisme, basé sur des faits complets et explicités à la lumière de spécialistes et pourquoi pas passionnés!
Pour l’instant, c’est toujours le sexe et le sensationnel qui vendent… A quand la qualité? L’information traditionnelle a un avenir même en France, à la lumière d’un journalisme indépendant, libre et sans concessions.
@Vincent
Selon moi c’est bien le retard des usages et consciences de la plupart des gens qui fait que ces anciens médias sont encore un « succès ». Mais il ne faut pas se leurrer : la télévision est en baisse d’audience ainsi que les journaux… ce n’est qu’une question de temps avant que la tendance ne s’accélère.
On est bien sur la même longueur d’onde quant au reste 😉
Stan,
D’accord avec toi sur une large partie, cependant cela ne règle pas le cas du reporter posté à Téhéran : twitter peut suffire pour suivre des mouvements de protestation populaires, mais pour ce qui est d’analyser la vie politique locale…
Sinon les américains ont un proverbe « There is no such thing as a free lunch ». La gratuité de l’information a nécessairement des contreparties :
– publicité : dans ce cas les contenus sont orientés pour maximiser les résultats dans les algorithmes commerciaux
– corporate : qui parle ? ai-je accès à une information partiale ?
– bloggeur : quelle est la pérennité de cette source ?
…
OK pour dire que les médias traditionnels n’ont pas encore su se réinventer, mais ils vont rester je pense dans le paysage. J’espère seulement qu’ils ne trouveront pas des sources de financements externes qui leur éviteraient cette nécessaire mutation. J’ai à ce propos écrit un billet sur la conséquence de la désindexation des contenus et les conséquences éditoriales : http://ow.ly/KSB2
Nils
@Nils Oj :
Tu soulèves plusieurs choses intéressantes…
Je crois que l’avantage des médias sociaux est de faire intervenir un plus grand nombre de partis pris. Ainsi, plutot que d’avoir le seul et unique son de cloche du journaliste posté à Téhéran, demain nous pourrions avoir accès : aux prises de positions officielles, aux analyses de blogueurs/journalistes iraniens ou autres étrangers (l’anglais étant notre ami). Tout ça pour dire qu’on a certes toujours besoin de journalistes dans le cas que tu cites. Néanmoins :
– a-t-on besoin d’autant de journalistes sur place que l’on a de journaux en France ?
– a-t-on besoin d’autant de journalistes quand d’autres sources peuvent s’exprimer directement ? Pourquoi payer des gens à faire redire ce qu’on dit d’autres alors que ces personnes peuvent s’exprimer directement comme des grands ?
Tu as raison de rappeler que la gratuité à ses contreparties.
Sur la publicité, je pense que ce type de stratégie marchera pas sur le long terme.
Corporate : tant qu’il y a transparence, cela ne me gêne pas ((re)lire cet article : la transparence est la nouvelle objectivité)
blogueur : je te l’accorde il n’est pas évident de détecter les bonnes sources d’info quand on débarque dans la blogosphère… Mais c’est aussi une question d’experience et de libre arbitre qu’il faut réinculquer chez les gens.
Ca rejoins un peu ce que je disais dans cet article d’ailleurs…
Très bon article Stan ! J’aime ton franc-parler et la façon dont tu montres ta façon de t’informer. Dans 20 ans, tout le monde fera comme ça. Les journalistes qui reprennent tous la même info via l’AFP ne peuvent rien contre la variété d’opinions des blogs et des sites d’infos. Le lecteur y apprend la diversité et le jugement.
La seule planche de salut pour la presse traditionnel serait peut-être de proposer des articles approfondis, pas de l’info jetable. De toute façon, les bons et vrais journalistes seront tous amenés à avoir leur propre blog. Quid de la presse comme on l’entend aujourd’hui ? Il leur restera le marché des « seniors » de l’esprit, de ceux qui n’auront pas voulu ou su évoluer. 🙂
@Jean-Philippe : merci 🙂
@Jerome : merci pour cette bonne synthèse !
C’est en effet le modèle des agences de presses qui pose davantage de problème pour l’avenir des médias, comme le disait très justement Benoit Raphaël dans cet article.
Même si les modèles reposant uniquement sur l’UGC (user generated content) sont une tendance d’avenir (voir l’exemple de CitizenSide, dont l’afp est entrée au capital), je suis d’accord avec toi qu’ils ne sont pas viables, du moins à court terme. Cela nécessiterait en effet que tout le monde devienne un acteur actif de l’information. On en est très loin… 😉
Je ne suis pas un grand expert des médias (et encore moins du modèle des agences de presses) mais je vois quand même 2 pistes d’avenir (n’hésitez pas à me corriger) :
– l’UGC dont l’afp peut tout de même reposer en partie, ce qui permet de baisser ses couts du moins à long terme.
– la segmentation de l’offre, en proposant des abonnements moins chers, mais plus spécialisés sur des domaines précis. Cible : blogueurs, journalistes indépendants, pure players, voir même des professionnels… Bref jouer sur la longue traine 😉
Bon ceci dit, comme tu le remarques, l’AFP sur un secteur comme le hi tech, c’est techcrunch 😉
A partir de là, je vois bien un modèle un peu hybride comme semble le dessiner également, avec des pure players qui font du vrai journalisme (bientot rentable d’ailleurs ?), des acteurs qui s’expriment sans besoin de médias comme tu l’évoques, et des blogueurs qui font vivre cette information par l’analyse, le débat etc…
Qu’en pensez-vous ?
Les journalistes ne cessent de clamer que seuls les vieux médias créent de la valeur, et que les aggrégateurs et les blogueurs ne font que les voler ou les paraphraser (note #3 de ce billet).
On leur rétorque généralement que nos outils et nos méthodes offrent aux lecteurs de la conversation, de la vitesse, de la personnalisation, de l’ouverture, de l’humilité… Bref, ce que la presse traditionnelle refuse de nous fournir. C’est tout à fait juste et ils ne veulent pas l’entendre. Mais on ne peut pas s’en arrêter là, car on ne répond qu’à un bout du problème, « nous ne faisons pas *que* voler et paraphraser ».
L’autre bout n’a jamais été résolue, et quand on l’adresse on ne fait pas les fiers: oui, « les vieux médias vont chercher l’essentiel de l’information et en supporte le coût ».
>>> Qui, dans notre nouveau modèle, se charge de la collecte de l’information ? Qui la finance ?
On s’entête à dire qu’ils trouveront une solution dès lors qu’ils auront embrassé le Web et son 2.0. On leur parle de don et de réputation comme nouvelle monnaie, mais comment un groupe qui emploie 200 personnes peut faire le pas sans la preuve que le nouveau modèle fonctionne à grande échelle?
Il faut qu’on démontre que les pur players peuvent être rentables en étant autonomes dans la chaîne de production de l’information, de la collecte à la présentation.
Seulement voilà, notre nouveau modèle réussit parfaitement la deuxième phase – la présentation- mais est incapable de réaliser et/ou de financer la première – la collecte.
Quelle place et quel business model pour les agences de presse ? Ou par quoi les remplacer?
Personnellement, je ne crois ni au micro-blogging amateur, ni aux réseaux bénévole comme CNN iReport ou France24 Observers et je n’arrive pas à imaginer un système équilibré.
J’ai pensé à TechCrunch comme modèle autonome et rentable. Il couvre tout un secteur, et le fait bien (le Washington Post le redistribue officiellement).
Le truc, c’est que l’industrie qu’il couvre est unique : elle communique toute seule l’information brute qui la concerne, via les blogs et les tweets des acteurs du milieu. Elle mâche tout le travail de collecte de l’information ! La question « qui, dans la chaîne du journalisme, fait la collecte et la finance ? » ne se pose même plus.
Si TechCrunch devait aller chercher la plupart de ses infos sur le terrain, je pense qu’il ne pourrait pas couvrir l’actualité du secteur de manière exhaustive, ou il le ferait mal, ou il serait déficitaire.
Il faut soit résoudre l’impossible problème du financement de la collecte d’information ou bien attendre que les individus et les organisations produisent et distribue eux-mêmes l’information qui les concernent.
Imaginez que les acteurs du monde médical, artisanal, politique, culturel, diplomatique, social, religieux (…) avec chacun leur Twitter, leur Facebook, leur Youtube, leur social graph… Ajouter à cela un peu de datamining et de crowdsourcing, et les journalistes n’ont plus qu’à être blogueurs 🙂
Faisons la sourde oreille aux complaintes des vieux médias pendant que l’on convainc le reste de la société à passer au numérique, sauvant ainsi le journalisme. CQFD 🙂
PS : c’est en lisant hier le conseil de Chomsky aux libéraux américains (« arrêtez de moquer l’extrême droite américaine » http://www.reddit.com/r/politics/comments/adbna/noam_chomsky_on_why_we_shouldnt_be_ridiculing_the), que je me suis convaincu qu’on devrait davantage se mettre à la place de nos détracteurs et répondre à leurs problèmes immédiats.
Merci Stan de pointer vers ce billet de Benoit Raphaël, dont j’ignorais la connaissance et qui pose des questions similaires.
Mais je ne trouve aucune proposition sinon celle de « sauter dans l’inconnu ». On parle de payer des journaliste à scanner la Toile pour collecter une information qui n’est pas disponible parce que les acteurs impliqués ne sont pas encore des canons à dépêches – à l’exception du secteur high-tech avec TechCrunch comme modèle.
Je ne connaissais pas CitizenSide et il faudrait que je me penche un peu sur leur modèle. Quel est le profil type du contributeur? J’ai confiance en Wikipedia parce que j’arrive facilement à imaginer des volontaires qui enrichissent l’encyclopédie pour le loisirs et par passion. Mais je n’arrive pas à cerner le profil des participants à Wikinews – site qui ramme, d’ailleurs, malgré la promesse du « libre – et encore moins pour un site comme CitizenSide.
Ce serait intéressant d’interviewer un contributeur très actif sur ce site – ou sur ceux que j’ai mentionné, comme iReport, Observers ou même NowPublic, Current, etc. – pour comprendre ses motivations. Pour le moment, je suis très sceptique sur la viabilité de ces « expérimentations » et surtout leur capacité « to scale », sans l’appui de professionnels. Quant à l’investissement de l’AFP, je pense que ça ne prouve rien, sinon que les agences souhaitent garder un oeil sur ces nouveaux acteurs ou souhaite s’associer à de l’innovation pour le principe ou pour l’image.
Je ne le crois pas car sans modération (comme le permet la structure de Wikipedia), les contributeurs principaux seront ceux qui ont le plus grand intérêt à collecter et présenter l’information à leur avantage. Oui, les outils d’évaluations de transparence et de crédibilité (que Twitter va développer) seront très utiles, mais qui peut croire qu’une armée de bénévoles puisse trier 24/24 les torrents de messages sans fortement biaiser l’information?
Stan, crois-tu sincèrement que le crowdsourcing/UGC peut faire le boulot des agences de presse?
Il n’est pas question *d’aider* les agences de presse mais de les remplacer, dans un contexte où il faut aller chercher l’information à la source (l’UGC aide déjà les pros et je pense d’ailleurs que ça atteint ses limites à cause de l’inévitable course à l’influence).
Tu évoques aussi la segmentation de l’offre. Mais encore une fois, je ne pense pas que ce soit économiquement viable. Imagine qu’un magazine généraliste permette de construire une offre personnalisée. Je sélectionnerais alors « tech », « sciences », « relation internationales » et « tuning ». J’imagine que j’aurais aussi le choix entre l’impression et l’envoi à domicile du mag customisé, un flux RSS riche, ou un format dynamique du type Living Stories http://livingstories.googlelabs.com. Mais se pose la question « pourquoi passer par un généraliste s’il n’est qu’un aggrégateurs de contenus spécialisés »?
Je pense que la faille est là: si je veux couvrir les actus qui m’intéressent, j’ai tout à gagner à me construire mon système d’info à partir de flux gratuits (mais de qualité moyenne) ou payants (!) (mais professionnel). L’entre-deux, le portail de qualité et gratuit, ne subventionne la bonne qualité de son contenu qu’avec les revenus que génère sa main-mise sur le lectorat (un peu comme les opérateurs qui offre des smartphones à 1€ parce qu’ils nous engagent sur plusieurs années). Je pense que c’est pour éviter ça que les média généralistes refusent cette segmentation qui sensibilise les lecteurs aux technologies libératrices – RSS Reader, Friendfeed, Brizzly, iGoogle… – et les rapprochent de concurrents directs, en particulier les blogs.
Je pense que l’hybride est la solution, mais la disparition ou le remplacement par je-ne-sais-quoi des agences de presse va faire mal.
PS: comme ça rue89 arrive à l’équilibre? C’est bon ça! Mais je doute que ça tienne longtemps sans les agences de presse…
Tu montre effectivement bien les limites de l’UGC, mais je tiens à préciser que je ne vois pas le crowdsourcing comme solution totale. C’est n’est qu’une partie de la solution selon moi (la partie « modération étant assurée par le staff des agences de presses – un peu sur le modèle de lepost.fr en fait). Mais bien sur cette solution n’est qu’envisageable que dans l’hypothèse où le modèle des agences de presse reste utile pour la chaine de l’information. Ce qui n’est pas sur, comme tu le montre bien aussi. D’ailleurs rue89 n’est pas abonné à aucun fil d’agence (en tout cas ils ne l’etaient pas en 2007) … (cf http://internetetopinion.wordpress.com/2007/11/26/medias-et-internet-le-nouvel-ecosysteme-mediatique-un-resume-de-la-rencontre-du-22-novembre/ ) ce qui pourrait laisser effectivement présager que l’on pourra totalement s’en passer à l’avenir…
« pourquoi passer par un généraliste s’il n’est qu’un aggrégateurs de contenus spécialisés »?
Parce qu’il fournit un accès… Je suppose que tu as lu le dernier opus de novovision à ce sujet 😉
Pour résumer : c’est l’accès qui est monétisable, pas le contenu…
Bien entendu, un power-user comme toi préférera toujours construire son propre système d’info, mais n’oublies pas que tu fais partie de cette caste de gens qui veulent bien prendre le temps de le faire… Ce n’est pas le cas de tout le monde!
Enorme, je tombe à l’instant là dessus : News Corp., Hearst, Condé Nast, Time Inc. et Meredith s’associent pour fournir le contenu de leurs magazines en ligne à travers un kiosque qui s’inspire directement du succès d’iTunes.
Comme quoi certains commencent à comprendre… D’ici 2-3 ans on aura peut être ça en France :-p
Seul problème : c’est payant…
edit : oui ca vient du figaro.fr, une des exceptions qui confirme la règle 😉
Et des journaux qui reproduisent des contenus du Net, alors ? 😉
Bien sûr que les médias traditionnels sont utiles. Quand il y a quelque chose dedans !
Exemple ? Fakir (en vente chez tous les marchands de journaux), Courrier, Books, Le Monde (ça arrive), Match (ça arrive aussi), Le Parisien (ça arrive), Le Diplo, le Canard, le FT (ça arrive aussi), le Herald Tribune, Wired, etc.
Et rappelons que le Net distribue beaucoup des infos produites par ces médias traditionnels… dont vous dites n’avoir plus besoin.
JR
Des journaux qui reproduisent le net, ce n’est déjà plus très traditionnel ça, Mr Rosselin ! 😉 D’ailleurs il fut un temps où j’étais bien content de lire mon Vendredi dans le train 🙂 … (Comme le je disais à marsupilamima plus haut, je n’ai rien contre le papier sur le principe)
Vous avez raison de citer certains journaux qui continuent à produire de la vraie information, mais admettons tout de même qu’ils font figure d’exceptions dans le paysage médiatique français …
Quant au net qui reprend les infos des médias trad, l’argument est facilement retournable : il arrive également que l’inverse se produise … et cela arrivera même de plus en plus 🙂
hum hum… un peu réducteur tout ça !
Tu n’as peut-être plus besoin de lire les médias traditionnels mais quand est-il te tes sources d’informations ?
– Les blogueurs « pondent » bcp de leurs articles en partant d’une information tirée d’un média traditionnel.
– Les Pure Players ont les même outils (et sources d’informations) que les média traditionnels et ce n’est que le support et leurs structures qui changent !
– Sur twitter, nous suivons énormément de journalistes, et leurs infos viennent principalement de ce que leurs boîtes leur fournissent !
Donc conclusion, tu peux donc dire que tu ne suis plus les médias traditionnels mais quid de tes sources d’informations !?! Sans ces médias « old fashion » fini ta super veille 😉
@dadavidov (tout d’abord désolé pour le retard de publication de ton commentaire: je l’ai repêché dans les spams !)
– Pour les blogueurs, ça dépend ! Certains blogueurs arrivent à produire du contenu original et même à aller à la pêche aux infos (par des interviews par exemple).
– Les pure players… Oui mais rue89 n’est pas abonné à aucun fil d’agence (comme dit plus haut) ce qui montre bien que certains maillons de la chaine sautent…
– Journalistes sur twitter : oui mais attention je distingue médias trads et journalistes (comme expliqué plus haut dans les commentaires) et twitter n’est pas un média traditionnel…
Bon ceci dit, je comprends bien le problème que tu soulève : c’est celui de la collecte de l’information en amont de la chaine, comme l’évoquais également Jérôme.
Et c’est effectivement un vrai probleme non résolu, même si quelques pistes de réflexion émergent, comme le crowdsourcing (au sens général, sur la forme plusieurs modèles sont encore possibles).
Je crois que dans tous les cas il faut s’attendre à ce que de plus en plus d’acteurs de toutes sortent prennent la parole comme des grands sur internet sans passer par les médias traditionnels, ce qui risque de diminuer encore plus la valeur ajoutée des agences et autres canons à dépêches…