Sortir de l’euro : une mauvaise réponse qui pose de bonnes questions

La crise des dettes publiques qui touche actuellement l’Europe apporte de l’eau au moulin des souverainistes tels Nicolas Dupont-Aignan, Laurent Pinsolle et d’autres encore qui réclament depuis longtemps que nous sortions de l’euro. Ce « réflexe souverainiste », s’il est totalement compréhensible voire même dans une certaine mesure, justifié, n’est malheureusement pas une voie favorable pour le long terme car elle répond à des préoccupations obsolètes. Cependant, la question de la sortie de l’euro a le mérite de soulever une question primordiale qui mérite un véritable débat public : la question de la souveraineté monétaire.

Quand le piège de la dette se referme

Avant de rentrer dans le vif du sujet, une brève explication du contexte dans lequel nous nous trouvons s’impose. (Pour les experts de passage, ou ceux qui ont lu mon dernier article, vous pouvez sauter ce paragraphe 😉 !)

L’Europe connaît actuellement ce qu’il convient d’appeler la « crise des dettes souveraines » c’est à dire une crise liée au cumul des déficits des états européens. La dette accumulée depuis des décennies est financé par les marchés via l’émission de bons du trésor, c’est à dire des emprunts à moyen terme que des investisseurs achètent en échange d’une rente (remboursement du capital + intérêt). Or, depuis un an déjà, les marchés ont commencé à douter de la solvabilité de certains états de la zone euro, en commençant par la Grèce. Et ce non sans raisons : tout d’abord car la Grèce est effectivement dans une situation totalement désastreuse (les comptes publics ont été falsifiés des années durant pour masquer des déficits abyssaux) ; mais également car les traités européens interdisent à la banque centrale (la BCE) de financer directement les états, laissant l’exclusivité de cette tâche aux « marchés ». Autrement dit, en cas de faillite, il n’y a théoriquement personne pour rembourser la dette des états aux créanciers. D’où une crainte légitime de ceux-ci de ne pas récupérer leur mise.

Il faut bien voir que le problème ici n’est pas de savoir si les états sont effectivement insolvables ou pas (d’autres pays comme le Japon sont bien plus endettés sans pour autant être inquiétés). Cette question est un détail dans la mesure où les positions des investisseurs sont auto-réalisatrices : si ceux-ci refusent d’acheter la dette d’un pays (le jugeant insolvable), alors le taux d’intérêt du marché augmente automatiquement, ce qui aggrave directement l’endettement de l’état en question, finissant par le rendre effectivement insolvable. Or, c’est exactement ce qui s’est passé l’année dernière pour la Grèce, plus récemment en Irlande, et ce qui se trame en Espagne, au Portugal, en Belgique, et probablement bientôt en France aux vues de certains signes bien alarmants (clic clic clic).

Si le mécanisme se répand bel et bien, nous assisterons à une catastrophe économique. Car, si les états ne peuvent plus s’endetter à un prix raisonnable, ils seront rapidement en situation de cessation de paiements, ce qui provoquerait un grave effondrement étant donné le nombre d’acteurs dont les ressources seraient coupées : fonctionnaires, citoyens, fournisseurs … et même les banques !

En effet, si les états ne peuvent plus payer personne, il y a de fortes chances qu’ils décident de ne plus respecter leurs échéanciers de remboursement, ce qui entraînerait potentiellement leurs principaux créanciers – banques et autres investisseurs – en situation de faillite. On assisterait à un cercle vicieux particulièrement dévastateur dont les banques seraient à la fois coupables et victimes au final ! Au détriment des citoyens, bien sûr.

Quand la BCE achète des obligations du temps

Pour faire face à ce problème et “casser” le contagieux mécanisme, les états de l’Union Européenne, après de difficiles négociations, ont décidé de créer un  fond européen pour la stabilité financière (FESF). Concrètement, ce fond d’environ 750 milliards géré par la BCE (et financé par les états membres et le FMI) permet de procéder à l’émission d’obligations dont les fonds sont prétés aux pays qui en aurait la nécessité (comme ce fut le cas de l’Irlande récemment). De cette manière, le FESF finance les états à un meilleur taux, ce qui rassure les marchés et permet aux états de respirer.

Evolution des taux d’intérêts des obligations d’État grecques

Mais cette « solution » n’en est pas vraiment une (mis à part le gain de temps – voir graphique ci-dessus), car le « sauvetage » des états par le FESF ne règle en rien le problème des déficits et des abyssales dettes publiques! Ce problème devra être résolu tôt ou tard.

C’est d’ailleurs pour cela que l’aide du FESF est conditionné à la mise en œuvre de plans de rigueur destinés à réduire les dépenses publiques et accroître les impositions fiscales. Logique à priori, sauf que ces plans sont de nature à freiner la croissance, ce qui rendra la réduction de la dette plus improbable encore (car pour simplifier, rembourser une dette à intérêt de 3%, nécessite une croissance d’au moins 3% !).

Les états sont donc pris au piège car ils doivent à la fois soutenir la croissance économique et assurer leur propre solvabilité financière. Deux objectifs complètement contradictoires ! Il est donc clair que le FESF ne suffira pas : il faut trouver d’autres solutions.

Plus d’Europe pour sauver l’Europe ?

Les plus « européistes » tels que Jacques Attali suggèrent d’aller plus loin dans la solidarité des états par la création d’eurobonds. Il s’agirait de permettre à la banque centrale européenne d’émettre des titres de dette européens. De cette manière, les états pourraient se financer à meilleur prix (car le risque de défaut de l’UE est plus faible).

Mais encore une fois, outre le fait qu’il sera difficile de convaincre l’Allemagne (qui n’a pas de problème particulier avec sa dette – et ne veut donc pas la payer au même prix que les autres états européens), il s’agit d’une fausse solution dans la mesure où elle ne résout absolument pas le problème des déficits… Au contraire puisque l’essence de cette proposition est d’aider les états à s’endetter encore plus ! Pour certains, il s’agit donc d’un déni de réalité total, qui est en fait justifié par le fait qu’il permet de retrouver la confiance des marchés tout en continuant de stimuler la croissance et ainsi espérer pouvoir rembourser la dette.

On le voit bien : cette solution n’est au mieux qu’une solution partielle, car l’essence de cette crise n’est pas tant la méchante spéculation financière que l’indécence des déficits structurels des états. Comme ce billet le titre très justement : ceci n’est pas une crise, c’est un effondrement ! C’est le signe que nous ne pouvons aller plus loin dans la fuite en avant des endettements publics : c’est le point de rupture du keynesianisme omniprésent depuis trop longtemps. Ce qui d’une certaine manière aurait du être salutaire, car cela aurait du forcer les politiques à réellement se préoccuper de leurs déficits… et ainsi libérer les citoyens du laxisme qui reporte le coût de la croissance sur les générations suivantes.

Mais la situation est si grave que nos gouvernants ne peuvent faire grand chose d’autre que se contenter de gérer l’urgence : c’est à dire de se donner les moyens de s’endetter encore pour ne pas affronter le pire.

Le souverainisme au secours ?

Face à ces timides réponses et fausses/partielles solutions, les souverainistes, eux, ont des choses à dire. Et ils auraient tort de ne pas en profiter : cette crise met en exergue un problème qu’ils dénoncent depuis longtemps : l’euro. Pour eux, l’euro est non seulement à l’origine de la faible croissance et du chômage des dix dernières années, mais il est également synonyme de la perte de souveraineté de l’outil monétaire.

En effet, parce que la BCE a pour seul objectif de maintenir l’inflation sous 2%, elle impose une monnaie trop forte par rapport au dollar, ce qui nuit à la compétitivité prix de notre zone économique. C’est effectivement mécanique : une monnaie forte est un avantage à l’importation, mais un inconvénient à l’exportation. Du coup, nos entreprises vendent à l’étranger pour des prix anormalement plus élevés que leurs concurrents hors zone euro, juste en raison d’un taux de change défavorable. Et c’est ce qui expliquerait selon eux les déficits de la balance commerciale de la France.

L’autre argument des souverainistes, c’est que l’euro, par sa gestion centralisée des taux d’intérêts directeurs, applique une même politique à des pays dont les conjonctures sont très différentes. En effet, c’est en partie parce que la Grèce a pu pendant trop longtemps s’endetter au même prix que l’Allemagne qu’elle est aujourd’hui insolvable. En situation normale, des taux plus élevés auraient du forcer le gouvernement grec à prendre la question du déficit au sérieux bien avant que l’UE ne lui force la main. De même, si l’Irlande s’était vue imposée des taux plus élevés, sa dette privée n’aurait pas autant augmentée, et la bulle immobilière aurait probablement été plus contenue.

Pour toutes ces raisons (et d’autres que j’oublie probablement), les souverainistes soutiennent qu’il faut sortir de l’euro afin de :

  • Dévaluer le franc et ainsi regagner de la compétitivité prix sur nos concurrents étrangers, ce qui permettrait théoriquement un retour des exportations (et donc de la croissance et de l’emploi)
  • Reprendre le contrôle de notre banque centrale (la banque de France) ce qui nous permettrait de monétiser la dette publique (financer la dette par a planche à billet)

La dévaluation : une fausse solution face à de faux problèmes

Autant le dire tout de suite : je ne suis pas convaincu qu’une sortie de l’euro puisse résoudre tous nos problèmes.

Tout d’abord, il faut bien comprendre que nous n’en serions pas là si les critères de convergence prévus par le pacte de Maastricht (ne pas dépasser 3% de déficits publics et 60% de dette/PIB) avaient été respectés. Ce sont les gouvernants de nos pays respectifs qui nous ont conduits, par leur démagogie et leur manque de volonté, dans une telle impasse. Car avant d’être une « crise de l’euro » cette crise est avant tout celle des dettes souveraines, c’est à dire de l’utilisation largement excessive des déficits publics comme outils de relance (inefficace) de la croissance.

Mais passons néanmoins ce préambule pour nous pencher davantage sur la proposition des souverainistes.

Les partisans de la dévaluation nous vantent le grand retour de la compétitivité à l’export, mais quid de l’augmentation du coût des importations ? Si demain le pétrole ainsi que les principales matières premières continuent d’augmenter, ne serions-nous pas un peu désemparés avec notre franc dévalué ? Car le problème de l’Europe est qu’elle doit importer la plupart des matières premières pour produire. En dévaluant notre monnaie, nous achèterions donc plus cher les matières premières, ce qui augmenterait le coût de nos produits exportables, annulant ainsi en partie l’effet d’une « dévaluation compétitive ».

Par ailleurs, réduire le problème de la France à un problème d’exportations est trop simpliste. Tout cela ne se résumerait donc qu’à une simple histoire de coûts ? La qualité, l’innovation, tout cela ne servirait donc à rien ? Lors de mes cours de stratégie, on m’a toujours enseigné que la stratégie de leadership par les coûts n’était pas la meilleure parce qu’elle était trop facilement imitable. Elle n’apporte en soi aucun avantage concurrentiel décisif, au contraire : elle entraîne les acteurs d’un marché dans une concurrence très dure qui finit par nuire à la qualité, aux conditions de travail etc. C’est une compétition des misères qui aurait lieu si tous les pays européens suivaient cette stratégie. Bref, un jeu à somme négative pour tout le monde.

Loin de permettre le retour de la compétitivité française, une dévaluation de notre devise par la sortie de l’euro renforcerait la concurrence entre les états européens, sans véritablement apporter de réponse face à la concurrence hors-zone. Au final, cette stratégie nous fragiliserait encore davantage face aux concurrences chinoise, indienne, brésilienne etc. Car ces pays resteront de toute façon toujours moins chers que nous pour un bon moment encore. A quoi bon une guerre des prix entre états européens alors que de toute façon nous perdons du terrain face au pays émergents ? Tout ce que la France gagnerait (peut-être) dans ces circonstances ne se ferait qu’au détriment d’autres pays européens. Nous sommes donc condamnés à jouer collectif.

Ce que j’essaye de dire ici, c’est qu’il est très difficile d’anticiper les conséquences d’une dévaluation compétitive par une sortie de l’euro. Il se peut – certes – que les souverainistes aient raison, mais tout un panel d’autres facteurs pourraient bien au contraire leur donner tort : les prix des matières premières, les marchés financiers, les stratégies des pays concurrents etc…

Alors, si l’objectif recherché du retour au franc n’est que d’améliroer notre compétitivité, n’existe-t-il pas d’autres moyens d’y parvenir sans quitter l’euro ? Pourquoi ne pas commencer par instaurer une TVA sociale comme l’ont fait les allemands et les danois ? Par ce moyen, nous rendrions les produits importés plus cher que leurs concurrents, nous pourrions baisser légèrement notre coût du travail et ainsi favoriser la flexibilité du marché. Et si cela ne suffisait pas, pourquoi ne pas recourir à un protectionnisme européen comme le suggère Emmanuel Todd ? (je précise que je ne suis pas spécialement protectionniste, mais si la situation tourne vraiment mal, alors c’est une option à envisager).

Enfin, l’autre erreur des souverainistes, c’est de raisonner de la même manière qu’il y a 30 ans. Il sont toujours dans une logique de croissance, et de plein emploi. Or, je suis convaincu – et je l’ai montré – que le plein emploi est un objectif inatteignable, tandis que la recherche effrénée de croissance économique est vaine. Dans cette perspective là, la sortie de l’euro comme stratégie compétitive n’apporte pas grand chose…

Malgré ces différences de points du vue, il y a un sujet sur lequel les souverainistes sont intéressants. Il s’agit de la question trop peu connue du grand public : celle du rôle de création monétaire de la banque centrale.

Banque centrale et création monétaire

Comme je l’ai plusieurs fois expliqué sur ce blog, la loi française ainsi que les traités européens interdisent à la BCE d’user de son rôle de création monétaire. Autrement dit, les banques centrales ne peuvent pas « faire marcher la planche à billet » pour financer les états.

Les dirigeants de l’époque ont en effet écouté les théories monétaristes en vogue à l’époque, lesquelles affirment que la création monétaire serait forcément génératrice d’inflation. Il a donc été décidé de se priver volontairement de ce pouvoir régalien et de le confier aux banques commerciales privées, celles-ci étant jugées plus aptes à mesurer le risque pris dans un investissement.

C’est ainsi que par le mécanisme de l’« argent dette » (elles inscrivent un dépôt bancaire à la fois à leur actif et à leur passif), les banques commerciales font gonfler la masse monétaire pour abreuver l’économie de crédit et ainsi impulser la demande (voire graphique).

Mais ce système comporte des failles. Tout d’abord, il crée l’absurdité suivante : pour se financer, l’État est obligé de passer par les marchés, ce qui lui coûte plus cher que de se financer directement auprès de la banque centrale, c’est-à-dire au meilleur taux du marché d’environ 1%. Il paie donc un intérêt plus élevé que ce qu’il ne devrait dans une situation où il disposerait pleinement de son pouvoir régalien de contrôle de sa monnaie.

L’absurdité ne vous apparait pas évidente ? Prenons un exemple : lorsque l’État a décidé de renflouer les banques en 2009, l’Etat s’est en fait endetté sur les marchés (donc en partie auprès des banques) pour prêter ce même argent aux banques !! On voit bien par cet exemple que les banques commerciales sont au cœur du système car nul ne peut se passer d’elles, y compris lorsqu’elles mettent elles-même toute l’économie en péril. Et l’on s’étonne ensuite que les gouvernements continuent de les sauver, mais ont-ils d’autre choix dans cette configuration ?

Mais la faille majeure de ce système, c’est que nous sommes condamnés à nous endetter toujours plus pour avoir la croissance suffisante au remboursement des intérêts de la dette. Car en effet, d’un point de vue global : d’où peut bien provenir le surplus de monnaie nécessaire au remboursement des intérêts, si toute la monnaie créée l’est sous forme de crédit ? (relire cette phrase 2 fois 🙂 ).

Pour toutes ces raisons, il est salutaire que les souverainistes soulèvent la question du rôle des banques centrales dans l’économie. Il est évident à mes yeux que la masse monétaire dont toute l’économie dépend ne peut être contrôlée majoritairement par des acteurs privés : il faut un deuxième pilier au système. D’une manière ou d’une autre, nous devons donc revenir sur les traités européens qui interdissent à la BCE de financer directement les états.

Pour une souveraineté monétaire européenne

Tout d’abord, il faut revenir sur le dogme monétariste selon lequel toute création monétaire par la banque centrale est inflationniste. Cela est empiriquement faux. Il faut en effet bien comprendre que la création monétaire n’est inflationniste que si elle n’est pas accompagnée de création de richesse. Si la création monétaire est affectée à des investissements, cela peut être très positif (effet de levier) mais au contraire, si l’on crée de la monnaie pour relancer la consommation (comme le font couramment les banques par le crédit à la consommation) ou pour financer les dépenses de fonctionnement de la sphère publique, alors il y a effectivement un danger inflationniste.

Il faut donc bien voir que d’une part, l’activité des banques commerciales est tout autant inflationnistes que la planche à billet ; et d’autre part, que ce n’est pas la création de monnaie qui est inflationniste en soi, mais l’utilisation faite par la monnaie ainsi créée. (pour bien comprendre ce point, je vous invite à lire ce post de André-Jacques Holbecq qui est beaucoup plus précis que la rapide synthèse que je viens d’en faire)

C’est pourquoi nous devons à tout prix redonner à la banque centrale le pouvoir de création monétaire. Mais que les choses soient claires : je ne prône pas de faire tourner la planche à billets à tout bout de champ. La banque centrale (et les gouvernants qui la contrôlent) doit agir en bon père de famille et distinguer ce qui relève de l’investissement d’avenir de ce qui constitue des dépenses de fonctionnement.

Concrètement, on pourrait imaginer un système de financement des investissements à l’échelle européenne (tiens, pourquoi pas dans le cadre de la Banque européenne d’investissement?) sous tutelle de la BCE. Celle-ci se chargerait de coordonner et de financer les investissements par création monétaire (ou plus précisément, par de la « monnaie de crédit » créée ex nihilo) qui serait par la suite remboursée ou non suivant l’évolution du PIB. Ce système se ferait bien sur en contrepartie d’une baisse de l’effet de levier des banques commerciales, de manière à contrôler la masse monétaire globale en circulation, et de la corréler à la création effective de richesses. Cela permettrait même d’avoir une politique monétaire davantage adaptée à chaque pays (par le choix stratégique des investissements) que le système actuel dans lequel la BCE ne contrôle que très vaguement la masse monétaire globale via la variation de son taux d’intérêt directeur.

Cette proposition vaut ce qu’elle vaut et n’est que le vague résultat d’une réflexion à voix haute. Elle ne résout pas le problème des déficits publics qu’il faudra résoudre d’une manière ou d’une autre. Mais j’espère qu’elle permet au moins de montrer qu’il est possible de retrouver une véritable souveraineté monétaire dans le cadre de l’euro.

J’ajoute que je préférerais un dividende universel européen, mais qui d’un point de vue politique semble difficile à mettre en place rapidement. En outre, une évolution dans ce sens nécessite de convaincre nos partenaires européens, ce qui sera loin d’être facile étant donné la fixette des allemands sur la question. Mais cela ne vaut-il pas le coup d’essayer avant de claquer la porte de l’euro ?

Sortir de l’euro : une option possible mais peut être pas nécessaire

Pour conclure ce trop long billet, j’espère avoir réussi à le démontrer : mon opposition à la sortie de l’euro ne se situe pas dans le registre du « c’est impossible » ou encore du « ça va être la catastrophe » (ça le sera dans tous les cas 🙂 ). Les arguments de ce type sont souvent infondés/exagérés et n’ont pour objectif que de susciter la peur. Non, mon opposition se situe plutôt dans le cadre d’une vision de la société européenne au XXIème siècle.

La priorité selon moi n’est pas de retrouver la croissance et le plein emploi (c’est d’ores et déjà foutu !!). Mes priorités sont le désendettement, l’équilibre des comptes publics, la baisse des inégalités, et l’augmentation des libertés. Il s’agit de faire transiter le système économique actuel vers une nouvelle économie plus saine.

Or, je ne vois vraiment pas ce qu’apporterait une sortie de l’euro dans la recherche de ces objectifs. J’y vois même plutôt une régression, car l’euro est le symbole d’une Europe pacifiée, où les citoyens sont libres d’échanger, de voyager. Le retour aux monnaies nationales ne ferait que remettre des distances et de la compétition entre les citoyens européens, et ceci pour une efficacité limitée.

Néanmoins, nous l’avons vu, les souverainistes ont raison de soulever la question de la souveraineté monétaire qui est totalement oubliée de nombreux politiciens. Il est crucial que nos institutions (et donc nos citoyens) reprennent le contrôle de la création monétaire.

Si cela est absolument impossible dans le cadre de l’Union Européenne, alors oui, il faudra quitter l’euro et construire un modèle monétaire alternatif à l’échelle française. Mais il serait dommage de se précipiter dans cette voie là alors qu’un peu de patience pourrait permettre de construire un projet européen bien plus ambitieux.

— — —

Crédits photos : CC Daniella Hartmann ; Cédric Paul ; kiki99

Note : cet article constitue une réponse partielle à la crise des dettes. Je compte bien apporter une réponse plus complète prochainement… 😉

Mise à jour du 18/01/2011 – 15h20 : quelques modifications sur le rôle du FESF

20 commentaires

  • La phrase à lire deux fois est la clé.
    Tout le monde veut de l’argent mais personne ne se demande d’où il vient !

    Très bon article. Merci !

  • Laetsgo

    Pourquoi n’évoques-tu pas la piste de la « socialisation » du crédit tel que l’entend Lordon ? Tu soulignes bien qu’une énorme partie du problème reside dans les banques commerciales, or, sauf omission de lecture, à aucun moment tu ne parles d’un nouveau Glass-Steagall Act ni ne remets en cause leur existence, proposant à la place de modifier le traité afin de permettre à la BCE ou l’un de ses avatars de prêter en lieu et place des marchés…j’estime qu’il faudrait traiter le cœur du problème – les megas banques – avant toute chose pour éviter que toute politique monetaire soit détournée à leur profit une fois de plus. De surcroit, si c’est Weber qui succède à Trichet, il n’y a aucune chance pour que l’on se tourne vers les solutions que tu préconises…(orthodoxie monétaire oblige !!!).
    Enfin, je suis convaincue que la solution est politique, et vu l’état de nos institutions et la doxa néolibérale dont ils sont pétris, nous ne sommes pas sortis du pétrin justement….

  • @Laetsgo : toutes ces solutions sont intéressantes et complémentaires 🙂

    Cet article n’a pas but de proposer une solution complète ! Il avait surtout pour objectif de faire la part du juste et du faux des propositions souverainistes…

    J’espère revenir sur le reste plus tard…

  • Pouet le canard

    Un peu long mais globalement compréhensible par un noob, merci. (En ce qui me concerne, le graphique des masses monétaires est totalement incompréhensible sans explications.)

    Je rêve aussi d’un dividende universel qui semble être une réponse presque idéale à différents problèmes… (mythe du plein emploi, activités bénévoles non considérées même si elles sont autant ou plus utiles que leur version commerciale)

    • @Pouet le canard : tout d’abord merci

      En ce qui concerne le graphique de la masse monétaire, il faut juste en retenir ici que la masse monétaire est en augmentation constante par les crédits octroyés par les banques. Le tassement en fin de courbe correspond à la crise des subprimes qui a provoqué une baisse du crédit (donc baisse de la masse monétaire).

      Et cela me permet d’affirmer qu’il n’est pas irrationnel de redonner à la BCE la prérogative de créer de la monnaie. Car il est normal (et nécessaire) que celle-ci augmente (sinon l’économie s’étouffe), même si bien sur il faudrait que la création monétaire par le crédit diminue pour ne pas créer trop de monnaie (et donc générer de l’inflation).

  • Chapeau bas camarade, tu as trouvé à mes yeux le meilleurs moyen de se bouger dans le cadre des contraintes actuelles. Mais il se pourrait bien qu’il faille prendre en compte de l’inattendu radical. C’est à mon sens le plus probable.

  • C’est pas mal, mais c’est trop « dans le système » ce qui fait que forcément tu te heurtes à toutes les limites paradoxales qu’il impose, et qui sont la conséquence de son incohérence logique fondamentale, que tu soulignes par ailleurs (endettement forcément infini)…

    Tu te rattrapes évidemment, mais c’est trop sous estimer la chose :

    « J’ajoute que je préférerais un dividende universel européen, mais qui d’un point de vue politique semble difficile à mettre en place rapidement. En outre, une évolution dans ce sens nécessite de convaincre nos partenaires européens, ce qui sera loin d’être facile étant donné la fixette des allemands sur la question. Mais cela ne vaut-il pas le coup d’essayer avant de claquer la porte de l’euro ? »

    D’abord les événements Tunisiens nous démontre s’il le fallait encore, que c’est le peuple qui décide, du moment qu’il se réveille suffisamment… Que donc il n’y a ni Etats, ni Banques, ni BC, ni personne à convaincre d’autre que les Citoyens.

    Par ailleurs le SPD Allemand a bien enclenché le mécanisme : http://www.creationmonetaire.info/2010/11/allemagne-le-psd-inscrit-le-revenu-de.html

    Ce que tu aurais pu souligner aussi.

    Je pense donc que c’est très bien vu et très bien résumé, mais que tu te retiens encore trop pour aller plus profondément vers l’évidence de la solution paradigmique inévitable.

    PS : source wikipedia ok, mais tu aurais pu être plus précis ! 🙂 http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Euro_Money_Supply.jpg?uselang=fr

  • @galuel : à vrai dire cet article a été un peu bizarre à écrire pour moi, car je me suis justement donné comme contrainte de répondre à une question bien précise : « faut-il sortir de l’euro ? » qui est une question « dans le système » alors que finalement la réponse est accessoire : ce qui compte c’est le rôle de la monnaie dans le système à bâtir après cette crise.

    Je n’ai pas écrit cet article pour des gens comme toi, Olivier ou Laetsgo, mais pour les ceux qui ont la tête dans le système et peinent à en sortir. J’ai voulu leur montrer qu’une voie meilleure était possible même dans le cadre actuel. On verra ce que ça donne…

    Mais dans la pratique, comme le rappelle Olivier, il est loin d’être exclu que la crise sera tellement grave qu’on sautera des étapes 🙂

    Bref, ne vous inquiétez pas, j’irai plus loin dans d’autres posts que j’ai en tête 😉

  • Ca me semble un excellent « chemin » que celui que tu prends…

  • Stephane

    Chapeau pour cet article et celui du 17 déc. Un beau travail de vulgarisation ! Merci.

  • sinon, y’a aussi la version de gauche pour sortir de l’euro
    http://www.m-pep.org/spip.php?article1967
    SORTIR DE L’EURO : SOLUTION OU IMPASSE ?

    • @Sancelrien oui j’ai vu ça sur zero hedge… Je n’ai pas encore cerné tous les tenants et aboutissants du truc mais ça craint du boudin cette histoire… je vais essayer de défricher tout ça et faire un topo…

  • Laetsgo

    Hallucinant cette histoire ! Grey money, ghost money, du vent…!!! Curieuse de lire ton analyse sur le sujet Stan ! Vais chercher de mon côté

  • @Laetsgo

    Pourquoi « ghost money » ???

    En quoi cela diffère de la monnaie existante ? Quelle justification ?? Je ne comprends pas l’étonnement !!! Je veux que tu m’expliques quelle différence il y a entre la monnaie en circulation actuellement, et celle créée par la Banque d’Irlande.

    La monnaie en circulation serait quoi ? De la « real money » ? Pourquoi ? En quoi sa création diffère-t-elle, en quoi est-elle légitime ?

  • vincent92

    Bonjour,

    Je partage votre analyse sur l’absence de souveraineté monétaire et sur la nécessaire réforme de la BCE et de l’Euro. En revanche, la TVA dite « sociale » est une mesure profondément injuste : en effet, si les salariés pourront compenser la hausse de la TVA par la baisse des cotisations salariales (encore faut-il que cette compensation soit intégrale!) , la hausse de la TVA va en revanche pénaliser tous ceux qui ne travaillent pas (étudiants, mères au foyer, chômeurs) et qui ne récupèreront donc pas d’argent sur la baisse des cotisations.
    En outre, la TVA est l’impôt le plus injuste puisque tout le monde paye le même taux quel que soit son revenu. Il me paraît nécessaire de baisser la TVA sur les produits de première nécessité quitte à financer cette mesure par une hausse des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu.

  • @vincent02

    « la hausse de la TVA va en revanche pénaliser tous ceux qui ne travaillent pas (étudiants, mères au foyer, chômeurs) et qui ne récupèreront donc pas d’argent sur la baisse des cotisations. »

    Pas avec la mise en place du Revenu Citoyen comme nouveau paradigme monétaire.

    A réfléchir une mesure sans penser la totalité du système nouveau dans lequel elle s’inscrit, cela revient à dire en 1500 ap JC que que les avions ne peuvent pas voler du fait que ce qui est plus lourd que l’air tombe.

    Pourtant avec une vitesse bien calculée, et une bonne portance, il est tout à fait possible de faire voler ce qui est plus lourd que l’air.

    Mais ça suppose de penser la dynamique, et pas de penser dans un monde statique.

  • @Vincent92 : ce que vous dites est vrai.

    En fait, je n’ai compris que peu de temps après ce post que la tva sociale ne peut fonctionner que si elle finance justement un revenu de base comme l’explique Galuel.

    Mais je suis déjà favorable à ça depuis longtemps, donc ça change pas grand chose 🙂