L’Homme est-il bon ou mauvais ?

Cet excellent article aborde un sujet qui me tracasse également depuis un certain temps : l’Homme est-il bon ou mauvais ?

En effet, cette question d’apparence anodine revient souvent en filigrane d’interminables débats, divisant je cite :

Ceux qui croient que l’homme est naturellement bon et que le système le pervertit, et ceux qui croient que l’homme est naturellement mauvais et que le système doit le recadrer.

Il n’y a pas très longtemps, je discutais avec un ami qui m’a justement posé cette question. Lui est persuadé que l’Homme est fondamentalement mauvais. Et, en tant qu’humaniste, je pense le contraire. Nous avons pu échanger constructivement une bonne demi-heure sur la question, me permettant ainsi d’éclaircir ma position sur le sujet. Reflexion que je me propose de partager avec vous.

L’environnement conditionne nos comportements

Pour commencer, mon ami avance l’argument suivant : « lorsque tu mets 10 personnes devant une seule assiette de riz insuffisante pour nourrir tout le monde, que ce passe-t-il ? Ils se tapent dessus. »

Cet argument est certes recevable mais ne peut permettre de conclure à ce que l’Homme soit mauvais. En effet, les conditions de l’experience sont imparfaites. En occurence, l’insuffisante quantité de riz remet en cause la survie des individus, de telle sorte que ceux-ci sont davantage enclins à agir de la pire sorte qu’il soit, par simple instinct de survie.

L’expérience ne revêt donc pas les conditions normales d’une vie en société. Dans une autre situation où un sac de riz entier est disposé, il est possible voire probable que les individus auraient choisi de le distribuer en parts égales.

Milgram l’a déjà prouvé depuis longtemps : l’environnement conditionne nos comportements jusqu’à nous faire commettre les pires atrocités.

Les besoins primaires avant la société

On en revient une nouvelle fois à ce que même l’économiste Maslow avait théorisé depuis longtemps : les besoins humains primaires ont besoins d’être satisfaits avant qu’un individu normalement constitué agisse de manière sociale.

Pyramide des besoins de Maslow

Par conséquent, tant que tous les individus n’auront pas une situation humainement correcte satisfaisant leurs besoins les plus primaires, les plus défavorisés agiront de manière invariablement « mauvaise ».

Le bonheur, c’est l’autre ?

La pyramide de Maslow nous montre qu’après avoir satisfait ses besoins primaires, l’Homme se préoccupe davantage de soucis d’appartenance à une communauté, de reconnaissance etc. Surprise : Autrui intervient donc dans l’augmentation du bonheur de chacun. Puisque l’homme a un désir de socialiser, il doit pour cela donner le meilleur de soi-même pour les autres, et pour la (les) communauté(s) auxquelles il appartient.

Alors bien sur, ce raisonnement n’est peut être pas dénué de toute démarche intéressée. En effet, l’Homme pris dans une communauté donne, mais reçoit aussi de la part des autres… Ne donne-t-il alors que par opportunisme, en espérant recevoir plus qu’il ne donne ? (auquel cas l’Homme serait donc plutot mauvais?)

Je ne crois pas, car il existe dans cette hypothèse une faille, toute petite certes, mais qui permet de supposer le contraire : n’est-il jamais arrivé à personne d’être profondément heureux pour la seule raison d’avoir fait plaisir à quelqu’un d’autre ? (en faisant un cadeau par exemple) ?

Cette alchimie de sentiments paradoxale remet donc en cause le postulat de départ que « l’homme donne pour recevoir » puisque donner, est par essence, une manière de recevoir : donner rend heureux.

Pour une politique de l’homme bon

Je le disais au tout début de ce post, la manière dont on répond à la question « L’Homme est-il bon ou mauvais? » a de fortes implications, notamment sur la politique : Faut-il donner plus ou moins de liberté aux individus ? Faut-il renforcer les mesures sécuritaires ? Faut-il tendre vers un système libéral ou un système social accompagné de systèmes coercitifs ?

Les réponses à ces questions dépendent fortement selon que l’on juge l’Homme bon ou mauvais par essence.

Mais on ne peut répondre à cette question en ne considérant que les comportments individuels et sans observer les conditions dans lesquelles la société nous place. Dit autrement : on ne peut juger du comportement des individus sans regarder la taille de l’assiette de riz.

L’insécurité par exemple, c’est certes un problème important, mais la société n’en est-elle pas – en partie – coupable ? La précarité, la misère, l’exclusion de certains individus ne poussent-ils pas ces derniers à agir de manière incivique car leurs besoins « primaires » ne sont pas satisfaits ?

Malheureusement, les politiques, si éloignés de la brute réalité, ont visiblement du mal à concevoir ce petit théorème. Explicitons-le donc : si on sanctionne le délit de vol de pomme de 1 an de prison ou de 5, cela va-t-il changer quoique ce soit dans le comportement d’un individu qui a terriblement faim ?

Dès lors que cela est admis, il parait alors logique de changer notre vision du problème de l’insécurité. En fait, ce problème est bien réel, mais n’est qu’une résultante de toute une séries d’autres problèmes. Je ne dis pas que l’insécurité est un « faux problème », mais il ne s’agit pas à mon sens d’un paramètre sur lequel on ne peut agir directement. Les politiques sécuritaires ont même en général cet effet très pervers d’accroitre la frustration (et donc indirectement, la violence) des individus visés par ces politiques.

En d’autres termes : vaut-il mieux mettre de l’huile sur le feu, ou bien ajouter du riz dans la gamelle ? 😉

En tant que chainon final d’une suite de phénomènes, le problème de l’insécurité ne peut être selon moi résolu de front, mais uniquement par des voies détournées. Concentrons nous sur d’autres problèmes graves de notre démocratie : l’égalité, la justice, la misère, la méritocratie. Cela serait déjà non seulement pas mal, mais il y a en plus de bonnes chances que le reste suive…

Malheureusement, vu comme c’est parti, il va falloir lutter sévèrement pour ne pas succomber aux sirènes des médias et autres politiques réactionnaires. Lutter contre l’idée que dresser les gens les uns contre les autres serait une bonne voie vers une société meilleure.


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10 commentaires

  • Marche pas, bien et mal sont des mesure relatives à l’observateur. Elles n’ont aucun sens ni absolu ni consensuel, mais uniquement individuel.

    Concernant les besoins primaires c’est la même chose.

    Pour preuve les moines et les ascètes comme celui-ci (même si on peut douter des 70 ans, sans aller jusque là les ascètes existent) : http://www.rfi.fr/contenu/20100428-inde-ascete-affirme-avoir-passe-70-ans-manger-boire

    D’ailleurs les hommes qui ont laissé les monuments spirituels à la base de nos sociétés étaient tous essentiellement des ascètes (prophètes, Jésus, Bouddha…).

    Au vu de ces faits il faut revoir l’approche en se basant sur la RELATIVITE. Qu’est-ce qu’une approche RELATIVE ? Il s’agit de poser chaque individu comme repère de mesure de toute notion, considérée comme relative. Ainsi seule la relativité est une notion universelle. Rien d’autre.

    Si ensuite des hommes choisissent d’accepter des valeurs communes, c’est limité dans l’espace et dans le temps au sein de communautés particulières, et seul l’accord librement consenti pour la définition de notions comme le bien et le mal peut-être admis temporairement pour juger de ce qu’il y a à faire ou pas.

    • @Galuel : tu remarqueras que je ne prends finalement pas vraiment position. J’essaye juste de dire que l’homme ne peut pas être fondamentalement mauvais. Et qu’en combattant les hommes « mauvais » s’il en est, on ne fait que les rendre plus mauvais encore.

      Mais j’aime bien aussi ta vision des choses même si j’ai des doutes sur ta vision de la relativité absolue…

      @Caleb iri : merci pour le lien tout à fait à propos 😉

  • bonjour,

    je vous remercie d’avoir repris mon article, auquel je voudrais en ajouter un, si vous me permettez, qui touche à ce sujet :

    http://calebirri.unblog.fr/2008/12/09/lhomme-est-il-naturellement-mauvais/

    merci

  • La relativité étant universelle, elle est elle même relative… C’est le truc. Elle ne se contredit pas justement 🙂

  • toto

    Je suis peut etre a la ramasse, mais moi le truc, sur « l’Homme est-il bon ou mauvais », suffit de commencer a se l’appliquer a soit même un minimum, (et du coup, forcement j’ai du mal avec ceux qui le juge mauvais d’emblé ;), pauvre homme)

    En tout cas ceux qui sortent que le systeme doit recadrer les hommes, tu remarqueras que quasi tout le temps c’est les autres qu’il faut recadrer pas eux… Un peu facile quand même hein… (ouais)

    (par contre, faut bien que je rechigne, l’insécurité sérieux (genre délinquance hein),oula, plus qu’un vrai problème, c’est plutôt un vrai truc bien commode pour faire peur), m’enfin c’est quand même ce que tu dis un peu.

    bref 🙂

  • Oui c’est un peu comme le revenu universel, les opposants s’offusquent en disant que « les gens vont glander devant leur télé! », mais quand on leur demande ce qu’ils feraient eux, ils prétendent vouloir continuer à travailler…

    Le problème en France c’est qu’on est pas foutu de se faire confiance… 🙁

  • toto

    Ouais :), les gens c’est des comiques (involontaires certes, mais bon). Le revenu universel je trouve que ce serait le truc le plus important a faire.
    bonne journée

  • toto

    Brassens il disait : « Et sitôt qu’on Est plus de quatre On est une bande de cons», on est déjà pas une bande de cons (comment ca c’est pas forcement rassurant, non mais dit, oh, on fait ce qu’on peut 😉 )
    bon je sais que c’est pas le post, mais (j’ai pas encore tout lu aussi), t’avais vu ca ? :

    http://www.europarl.europa.eu/fr/pressroom/content/20101020IPR88468/
    Un système de revenu minimum européen pour lutter contre la pauvreté